Le départ de René m'a cueillie un matin de la fin de ce mois d'avril. Bien que connaissant sa maladie, la nouvelle était brutale. Son dernier film, Anton Tchekhov était sorti que depuis un
mois. J'étais heureuse de l'accompagner dans cette dernière aventure. Travailler avec lui n'était pas toujours simple, mais il était toujours intéressant de le suivre. Avec l'aide de
Fabienne, sa femme, il récréerait une petite famille d'artisan cinéaste, et j'ai été heureuse d'y participer
Extrait d'un entretien de René Féret- pour un hors-série de Libération "Pourquoi filmez-vous ?" 1987
"Je filme surtout pour recréer, pour rendre la vie à ce qui a disparu. Je pense à mes films autobiographiques d’abord: dans la Communion solennelle, j’ai fait revivre mes ancêtres. Dans
Baptême, mon prochain film, je redonnerai vie à mon père mort il y a vingt ans et à un frère disparu avant ma naissance et dont je porte le nom. Ce frère est, j’en suis sûr aujourd’hui, à
l’origine de mon rapport au cinéma. Sa photo inanimée, en noir et blanc, était posée sur le piano dans l’ombre de la salle à manger de mon enfance. Il avait quatre ans, il souriait et je portais
son nom. Il fallait que je donne du mouvement à cette image fixe. C’est seulement aujourd’hui, à quarante ans, que je m’attache à « traiter » cette image. Il va renaître dans Baptême. Dans
Histoire de Paul, mon premier film, j’ai recréé mon passage à l’asile, il y a vingt ans, après la mort de mon père.
Filmer, pour c’est refaire, revivre, recréer, regarder, faire voir.
Entre ces films autobiographiques, je m’exerce à ces « résurrections » avec d’autres sujets : des romans, des nouvelles ou des faits historiques. Ainsi, j’ai redonné vie à Alexina,
l’hermaphrodite, qui a vécu au XIXe siècle et qui s’est suicidé à vingt ans dans l’indifférence générale. Aujourd’hui, grâce à moi, il parcourt le monde comme un fantôme réincarné, aux
Etats-Unis, en Belgique, en Argentine, en Algérie, partout, il revit son histoire, réveillant la conscience des spectateurs.
Parfois aussi, pour me divertir, je m’amuse à jouer car acteur est mon premier métier. Je suis toujours tenté. Parfois, je me l’autorise comme dans la Communion solennelle où je jouais mon père
jeune et dans l’Homme qui n’était pas là, mon dernier film, où je joue un… acteur. Car je considère le métier d’acteur comme le plus important. J’imagine les superbes réponses qu’ils vous feront
quand vous leur demanderez : « Pourquoi jouez-vous? ». Dans la hiérarchie des métiers du cinéma, l’acteur vient tout de suite après le personnage. Il s’inspire de lui et il le crée. Le scénariste
note et propose, le metteur en scène organise, le producteur paye les techniciens et le public apprécie parfois ou tourne le dos.
Peu importe, les personnages ont retrouvé la vie. Grâce aux acteurs. Ils sont imprimés à jamais sur le négatif. Ils ont gagné l’immortalité. "
Vous pourrez retrouver sa biographie et filmographie sur http://www.reneferet.com
Et le bel article de Michel Durande sur le site de DCAudiovisuel.
http://www.dcaudiovisuel.com/news_info.php/news_id/136